Date de naissance
11 Janvier 1985
Date de naissance
11 Janvier 1985
Pays
Japon
Profession
Vice-président du Toyota Gazoo Racing Europe
Intervieweuse : Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de devenir pilote ?
Kazuki : Si j'ai voulu devenir pilote de course, c'est surtout grâce à mon père qui faisait de la course automobile. Lorsque j'étais enfant, il était encore pilote professionnel de Formule 1. La course automobile était donc le sport qui m’était le plus familier. Même si j'aime beaucoup le baseball, le football et la plupart des autres sports en fait. J'aimais la compétition. La course automobile a été la première véritable compétition à laquelle j'ai participé.
J'ai débuté à l'âge de dix ans, en faisant du karting. Cela fait donc près de 30 ans maintenant. C'est un long parcours.
Intervieweuse : Qu’est-ce que ça fait de participer aux 24 heures du Mans ?
Kazuki : Ce n'est pas facile à décrire en une phrase, mais les 24 heures du Mans sont un peu comme les Jeux olympiques pour d'autres sports, parce que cette course n'a lieu qu'une fois par an.
Normalement, en course automobile, on se concentre davantage sur le championnat proprement dit, mais Le Mans est un événement à part, et nous nous concentrons donc beaucoup sur cette course. Bien sûr, le championnat est important, mais gagner Le Mans l'est tout autant. On dit donc souvent que dès qu’on a terminé Le Mans, on commence à se préparer pour l'année suivante.
Les efforts que nous déployons sont beaucoup plus importants que pour n'importe quelle autre course.
Intervieweuse : Diriez-vous que c’est votre façon à vous d’aller toujours plus loin ?
Kazuki : On peut dire ça en effet. C’est le plus grand objectif de toute ma carrière. C’est certain.
Intervieweuse : Ok. Quelle est votre routine quotidienne en tant que pilote ?
Kazuki : En dehors des compétitions, nous réfléchissons à tous les détails, à ce que nous pourrions faire pour la prochaine course. Nous avons beaucoup de réunions avec les ingénieurs afin d’analyser les données. Nous nous entraînons aussi beaucoup, physiquement et mentalement. Il s'agit donc essentiellement de se préparer pour la prochaine course.
Il faut fournir un effort constant pour essayer d'améliorer les choses, comprendre la voiture, comprendre sa conduite et déterminer comment gagner en vitesse. Cet effort vise à essayer de trouver le moindre détail permettant d’améliorer nos performances. Voilà quelle est notre routine en tant que pilote de course.
Intervieweuse : Ok. Pouvez-vous nous parler de quelques moments forts de votre carrière ?
Kazuki : Le moment fort de ma carrière a sans doute été ma première victoire aux 24 heures du Mans en 2018.
Oui, ce fut tout simplement le meilleur moment de ma carrière. Il y avait eu de très bons moments avant, comme lorsque j’ai remporté le championnat de Super Formula au Japon. Courir en F1 a aussi été quelque chose de particulier. Mais gagner Le Mans après notre septième participation, je crois... La route a été longue pour décrocher cette victoire. Il y a eu beaucoup de moments difficiles avant cela. Alors oui, relever de tels défis et réaliser quelque chose d'aussi grand est sans aucun doute le point culminant de ma carrière.
Intervieweuse : Selon vous, qu’est-ce qui a compté le plus pour obtenir cette victoire ?
Kazuki : Je dirais que chaque expérience a compté, qu'elle soit bonne ou mauvaise, y compris les erreurs. Je pense que chaque expérience a été une étape utile. Ce qui compte, c'est de faire l'effort de trouver une voie d'amélioration. Donc, chaque effort compte. Ensuite, je dirais que chaque moment compte, c'est-à-dire chaque étape. Nous parlons des 24 heures du Monde, mais chaque moment est important, et si vous manquez une étape, la course sera terminée. La course sera perdue. Y compris durant le processus de préparation.
Intervieweuse : Chaque seconde compte alors ?
Kazuki : Je dirais que chaque décision compte, peut-être parce que la course est avant tout une question de décision, de choix entre le risque et la récompense que l’on peut obtenir. Donc, peut-être que chaque décision compte à chaque instant.
Intervieweuse : Quel a été le moment le plus difficile pour vous ?
Kazuki : Hmm... Je pense que j'ai eu beaucoup de moments difficiles tout au long de ma carrière, mais le plus grand, et probablement le plus connu, a bien sûr été Le Mans 2016. Nous avons mené la course jusqu'à cinq minutes avant le drapeau à damier, et avec une avance confortable. Nous étions prêts à remporter notre première victoire, mais nous avons perdu à cause d'une défaillance mécanique soudaine. Cela a été le moment le plus difficile, un moment tragique. Mais en même temps, comme je l'ai dit, il s'agit de tirer des leçons des expériences. Et en ce sens, je dois dire que cela a changé la donne pour notre équipe : nous nous sommes ainsi préparés pour notre première victoire deux ans plus tard.
Intervieweuse : Comment avez-vous surmonté ce moment ? Comment fait-on pour continuer à s’entraîner et ne pas renoncer à son ambition et ses objectifs ?
Kazuki : La première chose à faire, c'est vraiment de ne pas abandonner. C'est ce qu'il faut garder au fond de soi pour surmonter la difficulté. Il est important de tirer des leçons d’une telle expérience, mais aussi d'essayer de tirer le positif de cette situation difficile. En 2016, nous avons perdu bien sûr, mais si vous analysez la course proprement dite, vous voyez que nous avons fait ce qu’il fallait.
Personne n'a fait d'erreur de notre côté. Tout se passait bien. Il nous a juste manqué un peu de chance et la fiabilité de notre voiture pour remporter la victoire. Je pense donc que toute l'équipe a su tirer le positif de cette course afin de renforcer notre confiance pour la suivante.
Et grâce à cette confiance, nous sommes parvenus à garder notre motivation intacte et à relever le prochain défi sans perdre notre dynamique. C'est une expérience dont nous avons tous tiré une leçon. Heureusement, nous avons eu la chance de poursuivre notre programme, grâce à Toyota.
Je dois remercier tous ceux qui ont soutenu notre programme. Nous ne pouvons pas oublier que sans soutien, nous ne sommes rien. Je pense que tant qu'il y a des opportunités, nous avons une chance de réussir. C'est vraiment la clé : continuer à essayer, continuer à se lancer des défis. Et bien sûr, le fait de se lancer des défis ne suffit pas. Il faut se préparer, déployer des efforts pour s'améliorer.
Intervieweuse : En quoi consiste la réussite pour vous ?
Kazuki : En tant que pilote, la réussite consistait bien sûr tout bonnement à gagner Le Mans ou le championnat.
Mais aujourd'hui, dans mon nouveau rôle, c'est peut-être un peu différent. Je pense que cela a une signification plus large. Le succès, ce n'est pas seulement gagner, c'est aussi faire progresser de jeunes talents et essayer d'augmenter le nombre d’amateurs de course automobile. Il s'agit de trouver un moyen pour que le sport automobile apporte sa contribution au monde à une plus grande échelle, non seulement en suscitant une passion pour le sport, mais aussi en favorisant le développement de l’automobile et des nouvelles technologies de différentes façons.
Je pense que le sport automobile peut faire beaucoup pour notre avenir. Faire avancer le sport automobile dans cette direction est donc aussi mon objectif de réussite. Ce n'est pas facile à accomplir, mais c'est quelque chose dont je me réjouis.
Intervieweuse : Ok, merci. Avez-vous des conseils à donner aux personnes qui lisent cet entretien concernant la façon de donner le meilleur de soi-même ? Et qu'est-ce que le dépassement de soi signifie pour vous ?
Kazuki : Je pense que le dépassement de soi signifie que tout est une question d’expérience et que chaque petit pas compte. Je crois que la motivation consiste à continuer à aller de l'avant. C'est vraiment quelque chose dont on a besoin. Tirer des leçons des expériences que l'on vit, y compris des erreurs. C'est explorer de nouvelles voies. C'est quelque chose qu'il faut absolument faire pour aller plus loin. Sinon, on reste toujours dans la même position.
Intervieweuse : Ok, merci. Et avez-vous une devise dans la vie ? Et si oui, vous permet-elle de conserver votre dynamique et votre motivation ?
Kazuki : Oui, il s'agit d'une courte phrase en japonais : « naseba naru ». C’est assez difficile de trouver les bons mots pour la traduire, mais cela signifie en gros : si vous essayez, vous obtiendrez des résultats. Mais si vous n'essayez rien, vous n'obtiendrez aucun résultat. Le japonais est une langue très concise. C'est une phrase que je garde toujours à l'esprit, même si cela débouche sur des erreurs.
L'important est de savoir si vous êtes en mesure de tirer des leçons de vos erreurs. Si ce n'est pas le cas, vous ne ferez pas une très longue carrière. Il s’agit là d’un point essentiel pour les pilotes de course, mais c'est aussi une leçon que nous pouvons tous retenir dans notre vie.
Intervieweuse : Parfait. Quel est votre prochain grand projet ?
Kazuki : Je crois que je l’ai déjà évoqué. Étant passé du rôle de pilote de course à celui plus large de membre de la direction de l'équipe de course, l'un de mes objectifs est de continuer à gagner des courses et le championnat. C'est certain. Un autre de mes objectifs consiste à faire progresser de jeunes talents et à essayer, disons, d'attirer plus de jeunes pilotes, en particulier chez Toyota. D’accroître l’attrait du sport automobile en général.
Et ne pas seulement susciter de l’enthousiasme chez les fans. Mais je crois aussi qu'il y a beaucoup de choses que vous pouvons promouvoir et développer grâce aux nouvelles technologies. Et la neutralité carbone étant une question centrale aujourd'hui - pas seulement dans l'industrie automobile, je pense que le sport automobile peut contribuer à l'avenir du monde à maints égards via le développement de nouvelles technologies.
Je pourrais en dire beaucoup plus à ce sujet. L'objectif est peut-être très élevé et très éloigné, mais c'est finalement le défi que je dois relever désormais.
Intervieweuse : Cette interview touche à sa fin. Une dernière question : si vous deviez décrire trois étapes importantes pour le dépassement de soi, quelles seraient-elles ?
Kazuki : Je dirais que chaque essai compte, chaque erreur compte. Mais chaque effort compte aussi pour aller toujours plus loin.
Je pense que c'est le fait que nous comprenions tous que chacun fait de son mieux dans son travail en tant qu'équipe. Vous avez besoin de cette équipe pour vous dépasser. Tout ne dépend pas du pilote. En tant que pilote, nous savons que nos ingénieurs, nos techniciens, et même nos conducteurs de camion, tous les membres de l'équipe font de leur mieux. C'est la meilleure énergie dont on puisse bénéficier en tant qu'équipe pour aller de l'avant. C'est la somme de tout cela qui permet d'aller plus loin.